Il l'a vécu de l'intérieur : Patrick vous raconte son 1er 24 heures.
"Samedi 15 septembre 11h00, un coup de pistolet retentit, bienvenue en Circadie !
Non ce n'est pas une province québécoise ni une nouvelle parade de Zavatta ou autre Pinder mais simplement une piste d'athlétisme.
C'était il y a quatre mois. Je préparais le marathon de Sauternes sans grande conviction voire un peu de lassitude eu égard à mon « grand âge » et aux nombreuses courses déjà engrangées, j'entendais Jacques parler de 24h.
Mon oreille était distraite mais un petit coin de cerveau avait décidé de capter l'information surtout que Jacques semblait rayonner quand il parlait de ce genre d'épreuve.
Sauternes raté, je me décide : Les 24H de Villenave d'Ornon, la circadie, l'inconnue, l'impensable, l'infranchissable. Jacques semble un extraterrestre à mes yeux mais il semble si heureux. Le bonheur..... notre quette à tous !
Mais voilà, comment faire, comment s'entrainer durant l'été ?
Un petit mail à l'extraterrestre et le tour est joué. La réponse est pleine de bon sens, de conseils, d'encouragements. J'y vais.
Me voilà donc à 11h sur la ligne de départ avec une petite centaine de fous, d'inconscients. Je vais apprendre au fil des heures que ces « fous » sont des personnages extraordinaires. Mais à 11h, je me demande ce que je fais là.
Le coup de pistolet et c'est parti. Une piste d'athlétisme, doublée pour l'occasion, et on va tourner, tourner, tourner pendant 24h : Au Fou !
3 Rapetous avisés sont là – Jacques La Science, l'expérimenté, Seb le Jeune, le Calme, Bernard l'exubérant, le Souriant. Tous les trois ont déjà cette épreuve à leur actif. Ils ont aussi une qualité qui va beaucoup m'aider : l'humilité. Aucun ne se vante de tel ou tel exploit, temps ou résultat. Tout au contraire, ce ne sera pendant tout la durée qu'encouragements et conseils. Les « Allez Patrick ! » se compteront par centaines au bout de l'aventure.
Certains ont installé des tentes, d'autres sont venus en camping-car. J'ai, quant à moi, posé mon sac sur une table sans trop me soucier du bien-être ( première erreur !).
Mes copains sont là mais il y a aussi tous ces inconnus que je vais côtoyer et qui ne le seront plus tout à fait au fil des tours et des heures.
Une puce est accrochée à notre chaussure, chaque passage est comptabilisé et on peut lire sur un grand écran son nom, sa place, la distance effectuée.
Juste après on trouve le stand ravitaillement. Jamais je n'ai vu pareille chose sur une course. Tout est prévu : casier individuel avec gobelet personnel, nourriture sucrée, salée, chaude, froide idem pour le liquide chaud, froid, avec bulles, sans bulles, sucré, sans sucre et le tout à volonté. C'est surprenant !
J'apprendrai après quelques heures qu'il y a aussi dans une salle adjacente Kiné et Ostéo. J'y reviendrai.
Il fait beau, j'ai décidé de courir 1 tour et de marcher 1 tour puis de m'arrêter toutes les 3 heures.
Les tours s'enchainent. Chantal est là, elle me regarde. Beaucoup sont venus avec des proches. Il y a dans ce regroupement, tant sur la piste qu'autour comme un sentiment de grande famille embarquée dans une aventure commune. Personne ne disparaît au loin. Les regards se croisent pendant 24h et toujours : « Allez Patrick ! ».
3 heures de course, je m'arrête. Tout va bien. Jacques, Seb et Bernard continuent, ils ont le sourire. Ils sont en famille. Ils sont heureux.
A coté de moi est assis « mon » premier personnage. Sa femme me racontera son histoire dans la nuit. Les docteurs lui ont interdit de courir alors il marche, lentement mais il marche. A 4h du matin il marchera encore. Il ne s'est toujours pas arrêté. Il chante, tout seul dans la nuit, il est heureux lui aussi. Sa femme est là... 24h sur une chaise !
Je repars. Un « Bus » de Rapetous est arrivé. J'ai droit à une « Ola ». Quelle ambiance ! Et toujours « Allez Patrick ! »
Un D.J passe des morceaux que certains ont choisis, le commentateur joue son rôle d'un micro de maitre. Tout s'enchaine parfaitement : « Allez Patrick ! ».
L'après-midi passe, on tourne et on tourne. Et puis, le soleil va décider de nous quitter, le commentateur va couper son micro, la musique va se faire plus douce pour s'arrêter vers 22h. C'est là que je vais comprendre toute la beauté et l'intérêt de cet événement.
Chantal est partie. Je suis seul. C'est en fait ce que je crois car c'est maintenant que la famille circadienne va m'accueillir.
La plupart vont ralentir, d'autres aller se reposer et sur la piste la vie se diffuse au fil des mètres parcourus.
Quelques tours en marchant avec Seb vont me faire connaître un personnage attachant que je n'aurai jamais imaginé en me contentant d'un marathon.
Quelques autres avec Bernard qui me parle et reparle de ses ampoules sur son précédent 24h mais qui sourie encore et toujours.
Pendant ce temps, Jacques tourne : « Allez Patrick ! ». Il m'impressionne.
D'autres tours avec Patrick Pierre, le look d'Herrero et une immense attelle à la jambe gauche. Un accident, un handicap et des courses, des courses. Il me raconte son ancien boulot, sa maison, son aventure. Quelle rencontre ! Je pense à Lamartine : «Ô temps suspend ton vol ».
Il y a aussi Annette. Les circadiens l'appellent Nenette. V2, 1m50. Tout le monde la connait, tout le monde l'encourage. Elle tourne, elle tourne, elle sourie.... « Allez Patrick ! »
Malgré la fatigue cette nuit ne devrait jamais finir. Elle déroule ce que l'humain a de plus beau, le partage, le soutien, la fraternité. Je paye avec de la souffrance un des plus beaux moments de vie de ces dernières années. Ce n'est pas cher payé.
05h, mal au dos, 100 km au compteur, direction l'ostéo. Jacques m'avait conseillé d'y aller depuis longtemps, je ne l'ai pas écouté ( deuxième erreur ). La jeune ostéo fait des miracles, avec le sourire. Je n'ai plus mal.
Une pause s'impose. Direction la tente commune, un voisin de tapis dort comme un bienheureux, je n'y arrive pas mais peu importe je ne suis pas venu pour le farniente.
J'attends le jour. Il arrive, bientôt, doucement, lentement. Il y a peu de bruit sur la piste, peu de bruit en dehors, mais la famille est là. La circadie est là. Elle tourne lentement, surement.
07h15, je vais redémarrer. J'aperçois Jacques, je ne sais pas si il s'est arrêté … « Allez Patrick ».
Je voudrais bien aller jusqu'à 130 km. Je n'y arriverai pas mais quelle importance.... Je tourne.
09H00 : j'arrête.... « Allez Patrick ». J'attends Chantal, elle me manque. Elle m'a envoyé un sms à 02h00, je ne l'ai pas lu, je tournais. Elle culpabilisait de ne pas être restée. Je lis ce texto, je l'aime.
Elle arrive, je n'ai pas envie de me lever de ma chaise. Et puis, je les vois là, devant moi mes nouveaux amis circadiens. Ils tournent.
Le soleil a réchauffé l'air de la nuit et redonné des forces. Il faut repartir, pour eux, pour elle, pour l'organisateur, pour moi et surtout pour Jacques, Seb, Bernard et leurs centaines de « Allez Patrick ! ».
Je me lève. 2 poutres ont remplacé mes deux jambes et c'est parti, je remarche.
Dimanche 11h, le coup de pistolet salvateur. On s'arrête là où l'on se trouve, on dépose son dossard sur le sol ( pour la mesure exacte au cm prés ).
Je stoppe à coté d'Aurélien de Marcheprime. On s'est vu pendant 24H. On se sert la main et puis une grand accolade. Avant-hier on ne se connaissait pas, ce matin on est de la même famille. Bernard me rejoint, toujours souriant, accolade, quelques mots.
Il fait beau, il fait chaud, j'ai mal partout.
J'ai vu le Président (Coach) ce matin de très bonne heure, il était là pour nous soutenir. Je lui ai dit : « Plus jamais, c'est nul on tourne en rond ! » On en dit des inepties quand on est épuisé.
J'écris ces lignes, nous sommes mardi. Les jambes me font encore mal mais je sais que j'ai vécu un moment exceptionnel. Je n'ai battu aucun record, commis aucun exploit mais j'ai participé à une aventure humaine de premier ordre.
Merci à Jacques, Seb, Bernard, Patrick, Nenette, Thierry, Aurelien, Hélène et tous ceux dont je n'ai pas retenu le nom.
Merci au Rapetous supporters.
Merci à Chantal que j'aime."