Circadiens, circadiennes, je suis des vôtres !
C’est le nom donné aux coureurs réalisant des courses horaires, j’avais dit : jamais cela, et je l’ai fait. Pourquoi ? Je ne sais pas, …tant pis!
Ainsi, en ce beau samedi de Septembre, je me retrouve à Villenave avec ma petite famille, pour le départ des 24 heures. Je me suis décidé le 15 Août, par défaut ; trop tard pour m’entraîner et courir à Theillay les 100km avec Sébastien, quand à Millau c’est loin et le même jour que l’assemblée, alors si je veux courir un ultra, il me reste Villenave, qui est tout à côté. Coach me dit que je peux m’inscrire aux 6 heures ou aux 12 h ; bof, 24 heures ça le fait mieux et ainsi je rejoints Séb et Bernard. Je me jette dans le vide en envoyant mon bulletin.
Après trois semaines intensives, avec un maxi à 175 km/semaine, pour un réglage parfait de mon allure à 8 km/h, la 3° moins chargée et la dernière en repos pour recharger, je suis moyennement confiant dans ma capacité à tenir la durée ; c’est peut être un plus, car l’humilité et la patience semblent être primordiales. Les sorties avec les Rapetous ont étaient un grand bonheur pour moi, à des allures inhabituelles mais qui mènent loin et avec des accompagnateurs pleins de bienveillance.
Je me sens perdu sur ce stade villenavais avec peu de monde, dans la course se trouve le champion de France, le meilleur performeur français, une membre de l’équipe de France 2008/2010, et d’autres cadors ; je suis dans mes petits souliers, mais j’ai sur le dos ma tunique verte et noire que plusieurs coureurs reconnaissent.
Coup de pistolet (on s’y croirais, mais, c’est le championnat de gironde et d’aquitaine !), le peloton s’élance, doucement, sous le soleil. Les langues se délient on fait connaissance, déclare nos intentions (moi : 8 km/h jusqu’au 100, après ??). Les nuages ont envahi le ciel, cela ne dure pas et vers 13 heures le soleil revient, très chaudement .Mon petit train me positionne vers la 35° place et je m’alimente un peu chaque tour, je n’oublie pas de boire en alternant eau plate, gazeuse, jus de pomme et parfois cola. Les coureurs du 6h démarrent au milieu de nous avec une vitesse folle, notamment les 15km/h d’Inglès. Dans la forte chaleur les éponges me sont bien utiles et servent de jeux avec d’autres. Vers 17h, ma position a bien bougé, je suis 25°, mon rythme est constant ; certains ont dû jouer la prudence ou bien accuser un gros coup de fatigue. La douleur s’installe dans les jambes ; des visiteurs surprise me permettent de changer mes idées et de ne pas m’enfermer dans la fatigue et la douleur .Avec les autres coureurs il y a beaucoup d’échanges, d’encouragements, de soutien. Le 6h est terminé avec Inglès qui finit en marchant, épuisé mais 1° ; « qu’elle chance ils ont ; j’aurai du participer dans un relais, avec les Rapetous ! Encore 15h à tenir ! ». Le soleil est moins fort, mais des rafales de vent agitent les banderoles, je m’enferme petit à petit dans ma bulle de souffrance ; il faut arriver à 100km, après cool. La douleur est forte, le moral bas, Daniel, futur vainqueur, ralenti en me dépassant et m’accompagne un moment avec des mots de réconfort. Je suis bien en circadie ! C’est ici ! Je fais pareil avec d’autres encore plus mal en point ; ce sont des relations humaines fortes qui justifient peut être le fait de participer à ces 24h. 0h30, les 100 sont là, gros relâchement. Je me repose 15’ (!!), puis marche en discutant avec l’un ou l’autre. Je suis complètement détendu, je laisse le temps passer en courrant un peu et en marchant. Daniel m’incite à courir, je lance : « j’ai le temps, il reste des heures et des heures ! » ; J-Marc Bordus (le champion de France) à la peine devant moi me demande de ne rien dire ; il souffre et voit ces espoirs de record s’envoler. Petit regain de forme entre 4 et 5h, puis je marche et finit par me dire qu’il serait bon de dormir un peu pour avoir des forces au levé du jour. Le réveil ¾ d’heure plus tard est très douloureux partout dans le corps ; j’y vais quand même, je suis là pour courir. Deux tours de marches, un bon café et je recommence à trotter ; la visite matinale de ma famille me remplie de bonheur et mes jambes me semblent légères. Maintenant mon objectif est clair : atteindre les 150km et passer sous la 23° place (=finir dans le premier tiers des coureurs). Je cours à 9km/h de moyenne en m’arrêtant, comme toujours, chaque tour au ravitaillement grignoter et boire. A ce rythme "infernal" le compteur tourne et à 9h30 les objectifs sont atteint ; un petit relâchement s’installe, puis l’idée d’accrocher les 160km s’impose, évidente. Les jambes sont d’accord et s’est reparti. Il reste 40’, je mets le paquet, il n’y a plus besoin de gérer, les gens me regardent, ébahis par mon allure après 23h20 de course, j’ai l’impression d’effleurer la piste, d’être sur une autre course que les autres, que je double et redouble, eux marchent ou trottinent, et je termine à fond. Quel bonheur de finir cette aventure, mais une pointe d’amertume est là. Un finish très fort en émotion, mais aussi en performance, 161,858km réalisés avec une course bien gérée, me permettre de comprendre comment certains réalisent 232,189km comme Daniel ; eux, ils ne lâchent rien, et dépassent la fatigue et la douleur, sans s’accorder un petit somme. 70km nous séparent, un monde, pas si immense que cela, le lien est noué.
Cette épreuve fût une très grande expérience humaine, avec un partage constant ; les boucles c’est très sympa pour se croiser et s’encourager, on ne perd pas de vue ni le premier, ni le dernier, et c’est super de finir tous en même temps. Grand merci à mon épouse, mais enfants, les supporters à Villenave ou par téléphone et à tout ceux qui m’ont suivi.
Et j’ai même pas mal ! En refaire un? Qu’en pense tu Sébastien, c’est trop fou, non ? Coach dis nous !
Un Rapetou, Jacques